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BORDEAUX-PARIS - 31 mai 2014

Un truc de fou : Bordeaux - Paris par Guy Camatte

"Un truc de fous", c’est ce que m’avaient dit les copains quand j’ai parlé de faire « Bordeaux-Paris » en vélo, mais je n’étais pas le seul du coin, 2 Antibois et 3 Carrossois y étaient aussi.
La devise était ‘Il n’est pas de plus beaux défis que ceux que l’on se lance à soi-même’, alors en avant !! Je m’inscris très tôt, histoire de ne pas pouvoir reculer.
Je vais passer sur les problèmes de logistique, mais pas sans remercier Serge, Joseph et Patrick de Carros pour le voyage aller à Bordeaux et Jean-Paul pour le retour de Paris.
Vendredi matin, lever 5h, mon sac est prêt, à 6h Gavi m’appelle, il est déjà en place au péage d’Antibes, je pars en vélo le retrouver, ma femme dort, je lui téléphonerai plus tard. Voyage sans problème, on retrouve les collègues à Bordeaux avant d’aller récupérer les dossards et les puces au village départ. Je suis en avance et décide d’aller visiter Bordeaux en vélo (25km). On se retrouve pour un bon casse-croute dans un petit restaurant italien pour manger des pates bien-sûr, et dodo.
Nuit un peu agitée, la pression monte, ‘putaing’, dans quelle galère je me suis embarqué, à 5h, j’ai déjà les yeux grands ouverts et je commence ma course !! Je vais m’endormir sur le vélo…
Petit déjeuner à 8h, tout va bien, je suis dans les temps, 8h50 sur le vélo pour rejoindre les copains au départ. Encore un café et du pain d’épice, on se place dans le peloton, je perds les copains, on se reverra peut-être sur la route, le Top départ à 10h02.
Je surveille un peu les cyclistes autour, comment ça va aller, quelles roues j’accroche, ne pas se surestimer, mais faut pas trainer quand même. Il fait beau, mais il y a du vent plutôt défavorable, ça sera à gérer.
Le compteur dépasse tout de suite les 40km/h, je suis bien, je remonte des cyclistes en me disant ‘pas de panique, y a du chemin à faire’, mais bon, je vois la tête de course, je surveille les cassures et j’arrive bien à les boucher. Je suis toujours dans le premier peloton quand on attaque la première petite bosse, toujours à 40km/h, en fait c’est juste un pont, ça doit être la Dordogne dessous, mais il est assez haut et je me dis que ça va un peu vite et qu’il vaudrait mieux rester dans le deuxième peloton. La route fait une boucle et on repasse au-dessus des autres, c’est déjà bien étiré. Je fais l’effort et ça passe avec les premiers. Je me sens bien, pourvu que ça dure.
35ème km, une deuxième petite bosse, un peu plus longue, il y a encore des cassures, je bascule avec 100m de retard sur la tête, je remets le grand plateau, je vais rentrer ‘facilement’ quand un dos d’âne me fait perdre un bidon, je décide de le ramasser, mais à 50km/h, il faut s’arrêter, faire demi-tour en évitant les autres, et repartir… je ne reverrai jamais les premiers… enfin si, dans la bosse suivante, mais loin devant, ils ont bien 500m d’avance impossible de boucher le trou, je suis dans un groupe qui progresse bien et je me dis que c’est peut-être pas plus mal comme ça.
On s’approche du premier ravitaillement, j’ai à boire et à manger, on va zapper, on a fait 1/8ème du parcours, les jambes vont bien, je prends mes relais correctement et l’allure est encore bien supérieure à 30km/h.
On dépasse les 100km, on entend quelques rouspétances dans le groupe, tout le monde ne passe pas devant. Il y a bien des gens qui essayent d’organiser le groupe, mais sans grand succès.
Une petite bosse avec un tunnel, à la sortie, on est que 5 devant (???) décision, on roule !!! Mauvaise idée, mais on ne se refait pas. On cale le compteur entre 35 et 40km/h et en avant Guingamp. Un 6ème pense avoir loupé le bon wagon et revient, on rattrape quelques cyclistes qui ont perdu le premier groupe (sûrement dans la même bosse), on est une petite dizaine, mais l’allure est beaucoup trop rapide. Après une bonne vingtaine de kilomètres, je dis à mon voisin que je n’irai pas jusqu’à Paris comme ça, on ralentit, et finalement, le gros du groupe nous rattrape. On a juste trouvé le moyen de se faire mal aux jambes pour rien, en plus, il commence à faire chaud et je n’ai plus beaucoup d’eau. Heureusement, le deuxième ravito de Montbron arrive, on fera le point.
Après ¼ du trajet, je commence à sentir la fatigue, ça m’inquiète, le chemin est encore long. Je mange un peu, je fais le plein des bidons, tout le groupe s’est arrêté. On apprend que les premiers sont 1/2h devant, ça me laisse quelques regrets mais on s’organise pour repartir avec un rythme de croisière adapté.
Au vu du road book, c’est le morceau le plus dur du trajet entre Montbron et Martizay (150ème et 300ème km) qui commence.
Quelques minutes après, on attaque la montée de l’Arbre tranquillement, c’est la plus grosse bosse du parcours, 6km à 5% avec un replat au milieu pour atteindre le point culminant à 475m d’altitude. On commence aussi à se connaître, et à savoir quelles sont les forces en présence. A priori on serait dans le deuxième groupe (ou troisième si le premier s’est partagé en deux). On discute, certains connaissent le parcours et nous mettent en garde.
C’est vrai que la topologie a changé, les bosses sont les unes sur les autres, rien de trop dur, mais jamais plat, on roule encore assez vite, on avait 34km/h de moyenne au 2ème ravito, on est encore à 32.5 à l’approche du  3ème  malgré le terrain accidenté. Les jambes commencent à durcir et on n’est qu’au tiers du parcours, je regrette encore le coup de grisou du 120ème Km, mais bon, je prends encore bien mes relais.
En repartant, il me faut quelques Km pour retrouver le rythme, surtout que mon groupe est parti un peu vite, j’avais 300m de retard, je suis rentré grâce à une voiture d’Auterive, mais personne ne prend de relais trop appuyé, je pense déjà au ravito suivant (mi-parcours), sachant que je vais faire une halte un peu plus longue pour bien manger et me reposer un peu,  quitte à prendre le groupe suivant.
Le parcours est toujours du même genre, la moyenne baisse, mais on est encore à plus de 30km/h, les relais sont plus longs et quelques fois celui qui est devant se retrouve seul ou à 2 (ça m’est arrivé plusieurs fois), mais on s’attend, la route est longue. J’attends avec impatience la mi-course pour me refaire une santé, vu l’avance que j’ai sur mon scénario le plus optimiste, il ne devrait pas y avoir de soucis, mais j’appréhende aussi la tombée de la nuit, comment ça va se passer ?
Martizay, il est 20h20 (j’avais prévu d’y être à 22h au mieux), enfin un peu de repos, il y en a besoin, et on n’est qu’à mi-course. Je retrouve les accompagnateurs de Carros, ils me disent que les collègues sont assez loin, je ne les reverrai plus. Les jambes sont lourdes, je vais laisser partir mon groupe et prendre le suivant. La soupe est bonne, j’en reprends 3 fois…
J’envoie un texto à ma femme pour la rassurer avant la nuit, elle me répond que je suis 114ème à 30.5km/h de moyenne, mon fils aussi m’envoie un message d’encouragement, ils me suivent à tous les contrôles et même en direct en prenant en compte les cyclistes qui ont une puce GPS et qui sont avec moi. Mon gendre s’est couché à 1h du matin pour me suivre, ça remet en forme de se sentir soutenu !
Bon, il faut repartir, il est 21h, un nouveau groupe se prépare, je vais l’attendre un peu plus loin en me mettant en configuration nuit (gilet jaune, lunettes, lumières…), aïe, j’ai oublié un bidon, je suis encore sur le site, je fais demi-tour, pas de bidon, quelqu’un a dû en avoir besoin. Un gars du groupe qui part m’en propose un, il est d’Auterive, décidemment. Je m’arrête plus loin pour mettre ma frontale, il est 21h45, le groupe passe, encore en chasse patate, je rentre sans problème, ce nouveau groupe est bien, j’y retrouve pas mal de membre de l’ancien qui ont fait comme moi, je ne suis pas le seul à être fatigué, mais ça va mieux, la pause a été efficace, ça y est, il fait nuit.
J’ai autour de moi de vrais phares qui m’éclairent plus que ma propre lumière, si je prends un relais trop appuyé, quand j’y vois moins bien, c’est que j’ai largué tout le monde. Dans 2 heures, on sera au prochain ravito, en attendant, je trouve un gars du sud-ouest, on parle rugby, il y a la finale du top 14 en ce moment. Evidemment on n’est pas d’accord, il est pour Castres. Un gars nous donne des news, Toulon mène 15 à 10, dans le peloton, ça rouscaille, y a pas beaucoup de Toulonnais, on parle de Wilkinson, lui, il fait l’unanimité, l’info tombe, Toulon a gagné, je fais un peu le malin, mais les affaires cyclistes reprennent.
Le parcours est effectivement plus calme, mais on a près de 400km dans les jambes. Minuit et demie, on arrive au ravito suivant, il y a des petits sandwichs salés, jambon, saucisson et de la soupe. Juste le temps de remettre mes manchettes, il commence vraiment à faire frais, le groupe est déjà reparti, je file avec bien 500m de retard, je rattrape un gars qui a loupé le départ aussi, et qui est-ce que je vois arriver, la voiture d’Auterive, sans réfléchir, je me cale derrière, le conducteur est un pro, il me ramène à 35km/h, les doigts dans le nez, je ne sais pas si le gars que j’ai doublé a pu accrocher. Auterive, je kiffe, c’est dans le massif central, faudra que j’aille y faire un tour.
Je me retrouve presque instantanément devant, c’est bien plus tranquille qu’au départ, ou comme me l’a dit mon collègue ‘Rugby’, mon groupe est devant, mais ça va bien comme ça. La température est encore tombée, je mettrais bien mon imper, mais pas le temps. Une descente avec des pavés, un gars (de mon âge) perd sa sacoche de selle, je passe devant sans pouvoir m’arrêter la ramasser, trop dangereux avec le groupe derrière, mais bon, pourvu qu’il ne lui arrive rien, en plus il roule bien et en sandales !!! Finalement, c’est assez cool de rouler de nuit, mais en groupe, seul, le temps doit être très long, il faut juste gérer la fraicheur nocturne.
L’avant dernier ravito arrive, il y a encore du salé, nickel. Question, combien reste-t-il de kilomètres ? On nous dit 149, le road book dit 170. Pas le temps de mettre l’imper, on repart, un peu perdus au milieu de nulle part, la moto ouvreuse est encore au ravito, mais le fléchage est parfait, même de nuit, on trouve son chemin et pourtant  ce n’est pas simple, que des petites routes secondaires. La moto arrive, tout va bien. 5h du mat, j’ai des frissons, je ne monte pas le son, mais la température est au plus bas : 7°, le jour commence à pointer, ouf.
Superbe lever de soleil sur la Beauce, pas beaucoup de candidats pour passer devant, 27/28km/h tranquille quand, au petit jour, deux jeunes passent, et vissent à 35km/h, des fadas, je ne sais pas d’où ils sortent, pendant plus de  20km, je reste dans leurs roues, mais on ne rattrape personne les écarts doivent être énormes. Le dernier ravitaillement n’est plus très loin et aucune difficulté à l’horizon.
6h30 on y est.
J’enlève le gilet jaune et la frontale, je remets le coupe-vent et le ‘capitaine de route improvisé’ annonce 3mn. Les bidons sont pleins, je suis prêt, mais on me dit que certains sont déjà partis, du coup, j’y vais en me disant que le groupe allait vite me rattraper. Après 4 ou 5km, j’ai déjà doublé une dizaine de membres du groupe, et le gros du peloton (50/60 environ) n’est pas en vue. Je tombe sur le panneau 50 derniers km et décide de finir tout seul en contre la montre pour arriver avant mon groupe.
C’est la vallée de Chevreuse, et il y a de belles petites bosses dedans dont une de 1.5km à 8% et c’est superbe, en sous-bois, la température est idéale, mais on a toujours du vent défavorable (en fait depuis le départ, il nous a simplement lâché entre minuit et 4h du matin). Je double encore des gens du groupe, personne ne me suis. Je monte la bosse des 17 virages 34x21 à 13km/h, souple sans à coup quand un fada qui est resté à l’abri  dans les roues me double en haut de la bosse, impossible de le suivre, il va trop vite.
J’ai calculé mon kilométrage total au panneau des 50 (617km), il devrait donc me rester 12 ou 13km quand je tombe sur le panneau 25 derniers kilomètres, 12km de plus et je suis seul, le groupe va m’avaler tout cru. Je rattrape encore un gars qui prend ma roue, 2km après, je lui demande de passer, on passe de 32 à 20km/h, je repasse, mais il tient encore ma roue !! Après l’avoir laissé repasser, je ne l’ai plus vu.
Reste à trouver l’arrivée, depuis la vallée de Chevreuse, il y a des signaleurs partout, l’organisation est parfaite, mais je ne sais plus trop combien il me reste de kilomètres. Je prends une rocade, une légère descente, un carrefour à gauche et je vois une grande arche jaune, c’est l’arrivée ! Un gars que je n’ai pas vu venir me double, je peux le repasser, mais trop content d’être au bout du périple, on voit le vélodrome, je relâche tout, bon sang, J’Y SUIS !!
Il est 8h47, j’ai fait 629km, j’espérais être au bout entre midi et 14h au mieux. Je fais le tour du rond-point, et les premiers de mon groupe arrivent, ouf, ils ne m’ont pas repris, c’est l’homme aux sandales qui est devant, bravo.
J’ai mal partout, je n’arrive pas à cerner ce dont j’ai le plus besoin, mais quel pied d’être au bout.
J’appelle ma femme pour lui dire que je suis à Paris, elle me donne même mon classement 86ème au scratch, mais j’apprends aussi que je suis dans la catégorie 50-65 ans et donc simplement 33ème.
Un petit stand sur l’esplanade pour boire un coup et connaître la suite du programme. D’abord poser le vélo à la consigne et récupérer mon maillot ‘Finisher’. Ensuite la douche, plein de monde, les discussions vont bon train, qu’est-ce qu’elle était bonne, je mets mon beau maillot, je l’ai bien mérité. Puis, kiné pour essayer de soulager les douleurs, c’était très bien, mais il y avait trop de travail, même si la fille qui m’a pris en main était charmante et enfin casse-croute simple mais chaud, et on m’a servi deux fois.
Toute l’organisation a été au top, pour une première fois, simple, sans prétention, mais très efficace.
Il est midi, mon covoiturage n’arrivera pas avant 17h, je m’inquiète de mes collègues, ils arrivent, mais ils vont au restaurant, une petite sieste s’impose… Impossible de dormir, je refais le parcours, je dormirai mieux ce soir.
14h30, c’est la remise des prix, je vais faire un tour à l’arrivée, les cyclistes se suivent par petits groupes, je discute avec le Speakeuse, elle était à Biot, à l’arrivée de Paris-Nice avec Daniel Mangeas, on parle vélo, elle suit les épreuves des pros dont le tour d’Italie. Il reste moins de deux heures aux retardataires pour arriver dans les délais, il en manque plus de cent.
17h30, mon chauffeur arrive, il m’emmène à Auxerre où je retrouve mon frère, demain on fera un décrassage (50km) dans les collines du Morvan. Retour à Biot Mardi et Mercredi boulot.
Fin de cette belle aventure, on trouvera bien un autre challenge pour l’an prochain.